Le 14 janvier 2022 s’est tenue (en visio) la première session de Capacités publiques autour de la piste “Management de la subsidiarité”. Elle a réuni une quinzaine d’agents issus des organisations partenaires mobilisées sur ce sujet (Carsat Centre Ouest, Communauté d’agglomération de Cergy Pontoise, Communauté urbaine de Dunkerque, Métro et Ville de Grenoble, Nantes Métropole, Ville de Lyon). L’objectif du jour : documenter la thématique “management de la subsidiarité” en partant des contextes et expériences vécues au sein des sept organisations, pendant le premier confinement mais pas seulement, et énoncer des premières idées de problématiques pour les futurs tests.
Voici quelques éléments saillants de ce premier temps collectif relevés par Maxime, de la Communauté urbaine de Dunkerque, et Maryline, de la Communauté d’agglomération de Cergy Pontoise.
Management de la subsidiarité : de quoi parle-t-on ?
Dès les premiers moments de la session est apparu le besoin de redéfinir les termes utilisés par les participant.e.s, à commencer par celui de subsidiarité, qui s’est révélé être à géométrie variable.
La définition de l’Union européenne nous a apporté un premier éclairage bien utile : Le principe de subsidiarité consiste à réserver uniquement à l’échelon supérieur – ici l’Union européenne (UE) – ce que l’échelon inférieur – les États membres de l’UE – ne pourrait effectuer que de manière moins efficace. Ce principe vise à permettre l’exercice du pouvoir au plus près des citoyens, l’Union n’intervenant qu’à titre subsidiaire. Introduit dans le droit européen par le traité de Maastricht (1992), le principe de subsidiarité a été consacré par le traité de Lisbonne comme principe fondamental de l’Union, aux côtés des principes d’attribution et de proportionnalité (art. 5 TUE)
Elle a été complétée, après la session, par une définition appliquée du principe de subsidiarité appliqué au management :
“La subsidiarité repose sur l’idée d’une responsabilité déléguée à l’échelon le plus adéquat. Principe : qu’une autorité centrale ne puisse effectuer que les tâches qui ne peuvent pas être réalisées à l’échelon inférieur. La délégation est ainsi renversée : ce n’est plus le dirigeant qui délègue à la base certaines décisions ou certains projets, mais le contraire. C’est lorsqu’une situation excède les compétences d’une entité qu’elle est transmise à un échelon hiérarchique supérieur. Ainsi, toute responsabilité doit être assumée par ceux qui sont confrontés à la problématique à résoudre, au plus proche du terrain.” (on vous conseille de lire cet intéressant article sur le sujet).
Le terme parle aussi de manière différente (quoique …) aux interco du groupe, pour lesquelles la subsidiarité est un principe essentiel de la relation avec les communes membres (avec les difficultés liées au partage de responsabilités et “le millefeuille de relations” … bien sûr illisibles pour les usagers!).
Plusieurs autres termes plus ou moins “cryptés” sont revenus dans les échanges, qu’il conviendra pour certains de mieux définir par la suite : autonomie managériale, cadre de confiance, administration libérée, gouvernance partagée / élargie / explicite, Holacratie, responsabilité/responsabilisation…
Rapidement, les échanges ont tourné autour de l’autonomie (qui ne doit pas conduire à l’isolement !) et du cadre nécessaire pour la faire fructifier, en faisant le parallèle avec le cadre de sécurité. Parmi les étonnements relevés par Maxime et Maryline : le besoin accru de repères dans un contexte organisationnel et politique mouvant, qui rendent souvent les environnement de travail instables ; la critique parfois faite aux RH de ne pas suffisamment accompagner, valoriser … voire de faire obstacle aux transformations. Une critique qu’ils considèrent comme “un dernier recours un peu facile” face à la difficulté de mettre en place les changements.
Les attentes des participant.e.s : pourquoi sont-elles et sont-ils là ? quel est le contexte dans leur organisation ?
Si les organisations autour de la table (ou plutôt de l’écran) sont diverses, elles partagent des éléments de contexte communs : un bilan de la crise Covid à prendre en compte, un projet d’administration en cours ou tout juste adopté (avec parfois une transformation organisationnelle à la clé), une attente de la DG (et parfois des élu.e.s) en termes d’autonomie et de responsabilités des agents et des managers et plus largement d’évolution des pratiques.
Les attentes des participant.e.s vis-à-vis du programme se rejoignent aussi largement : partager des expériences d’horizons différents, échanger avec des pairs, se conforter mutuellement (“faire le constat qu’on vit la même chose les uns et les autres”, “trouver des copains pour en parler”); certain.e.s recherchent des méthodes et outils pour mettre en oeuvre concrètement ces nouvelles orientations, et accompagner les changements de posture qu’elles impliquent.
D’où on part ? quelques exemples marquants de situations vécues dans les organisations pendant le 1er confinement (et/ou avant, après) Ajoutez votre titre ici
Les “anecdotes” partagées par les participant.e.s d’expériences vécues dans leur organisation en lien avec notre thématique se sont révélées riches et très diverses (et résonneront sans doute avec les vôtres), on vous en livre quelques-unes :
En matière de nettoiement, le territoire est découpé mais lors d’un changement d’équipe, on s’est aperçu sur le terrain que les équipes s’étaient organisées entre elles pour se faciliter le travail sans prendre en considération ces « frontières » administratives. Cette organisation a été confirmée et validée par la hiérarchie car elle était opérante et efficace.
Avant la Covid, l’ouverture d’un espace collaboratif sur notre intranet nécessitait d’intégrer une expérimentation, une formation, une, deux, trois… validations. Pendant le confinement, face à l’urgence de mettre en place ces outils et d’en libérer l’accès, il suffisait d’un mail informant que l’on avait vu avec son chef et c’était ouvert !
Pendant le confinement la procédure de versement des subventions a été très allégée pour garder le rythme du versement et ne pas mettre les acteurs en difficulté. L’équipe était très fière de son efficacité in fine et de son adaptation … mais s’est précipitée pour remettre en place notre procédure bien lourde et sécurisée à la fin du confinement, sans tirer les enseignements de ce mode dégradé.
Il y a quelques mois, la DSI a développé un outil collaboratif en partant des besoins d’une direction puis a expérimenté cet outil sans aucune validation hiérarchique. La DG a découvert a posteriori l’utilisation de cet outil dans sa phase expérimentale, est ravie de son existence et cherche un autre terrain d’expérimentation. Les collègues ont bien fait de se passer du circuit de validation habituel !
Le projet de rapprochement de deux directions repose sur les épaules d’une personne qui n’a pas forcément le type de poste pour le faire, mais qui a la confiance de l’encadrement. Cette situation fragilise la personne car elle est parfois laissée seule aussi bien sur des volets d’animation ou de consignation d’idées que sur des sujets plus structurants qui impacteront la future vie professionnelle des agents. Quand la confiance accordée se transforme en surexposition d’un agent non préparé aux risques, aux conflits et aux responsabilités d’un si gros projet, sans reconnaissance derrière…
Les anecdotes révèlent également l’écart entre des organisations déjà engagées dans une transformation profonde de leurs pratiques managériales (même si ce n’est partout dans leur administration) et d’autres encore au stade du “dépoussiérage”, qui ont parfois connu “des rendez-vous manqués sur lesquels capitaliser, vulgariser, rendre les choses simples et lisibles”. “On a peut-être encore un vieux logiciel, on a peut-être soigné nos relations usagers mais pas nos relations agents” confie une participante.
Les premières problématiques identifiées
Le recueil des attentes et des anecdotes des participant.e.s nous a permis de dresser un panorama des questions et des besoins auxquels les tests devront apporter des premières réponses, que nous avons reformulées après la session ainsi :
- Comment pourrait-on construire un cadre de confiance entre managers et agents ?
- Comment pourrait-on clarifier la ligne hiérarchique ?
- Comment pourrait-on répartir les responsabilités et les décisions aux bons niveaux ?
- Comment pourrait-on formaliser un mandat ?
- Comment pourrait-on valoriser la prise de responsabilité autrement que par une prime ?
- Comment pourrait-on rassurer un agent à qui on confie de nouvelles responsabilités ?
- Comment pourrait-on éviter aux agents de s’épuiser sous le poids des responsabilités (quand il n’y sont pas préparés) ?
- Comment pourrait-on sécuriser les agents et les managers dans les situations exceptionnelles ?
- Comment pourrait-on simplifier et réduire les procédures, circuits et délais de validation ?
- Comment pourrait-on favoriser l’auto-régulation de la charge de travail ?
- Comment pourrait-on encourager et faciliter la prise d’initiatives ?