Expériences de micro-mobilités … une session pour s’inspirer

Notre seconde session de travail sur le thème des micro-mobilités proposait d’explorer diverses expériences existantes pour en tirer des enseignements et idées. Nous avons donc invité Etienne Chevalier (Département de l’Isère), Elsa Chaucesse (Pro Bono Lab) et Marine Parent (Oyena) pour partager leurs retours d’expériences. 

 

Une mission d’appui temporaire pour muscler les projets et sortir des silos

Un.e chef.fe de service éducation venu.e en appui de l’équipe DSP pour la rénovation du petit train de la Mûre, un.e agent à l’animation de la hotline pour familles en difficultés pendant le confinement sur 40% de son temps… Le département de l’Isère a mis en place en 2018 un principe de mission d’appui temporaire aux projets (MATP), dont Etienne Chevalier, Directeur adjoint performance et modernisation du service au public, chef du service com’ interne et innovation compte 34 expériences aujourd’hui.

Le nom du dispositif en résume bien les principes : une mission clairement définie, une situation d’appui – qui consiste à seconder quelqu’un, temporaire – c’est à dire plafonnée à 40% et limitée dans le temps, mobilisé sur un projet – c’est à dire avec un chef de projet déjà en place. En filigrane, il s’agit de décloisonner les compétences en permettant à des agents de mettre à profit leurs compétences au service d’autres projets et collègues, de rapprocher les regards et expériences… et de sortir du fonctionnement en « mondes parallèles ». Si la MATP est ouverte à tous.tes, ces missions sont encore relativement concentrées sur certaines directions: 7 sur 30 ont accepté de « laisser partir » un agent et 11 ont accueilli une MATP.

En pratique, le dispositif est coordonné par la direction de la performance et de la modernisation, et la DGS signe et valide les fiches de mission. Si des offres sont publiées, la moitié des mobilités relèvent plutôt du gré à gré: une direction repère un agent en particulier, lui présente la mission, et recueille son accord. Les missions nécessitent tout de même pas mal d’organisation en termes de temps de travail pour l’agent. affectations. La DRH est en soutien du dispositif, qui est identifié parmi l’ensemble de l’offre de service interne dédiée aux affectations temporaires plus classiques (interim, renfort,…).

Parmi les points de vigilance soulevés : le niveau d’expertise requis et la clarté de l’intention : les mobilités qui n’ont pas été menées à leur terme requéraient quelques fois une expertise trop élevée, ou relevaient d’une déviance du dispositif, les équipes recherchant plus du renfort structurel qu’une mission réellement liée à un projet .

Dans les perspectives d’évolution, Etienne souligne l’intérêt de mieux capitaliser sur l’expérience et les retours des agents en termes d’effets individuels et collectifs, en termes de sentiment d’appartenance par exemple, et de le rendre mieux accessible et mieux connu, au-delà du bouche à oreilles. Il n’y a pas également de reconnaissance dans les évaluations annuelles par exemple, la GRH n’étant pas directement impliquée.

Le mécénat de compétences en entreprises, pour fédérer sur des valeurs communes et polir la ‘marque employeur’

Elsa Chaucesse travaille pour Pro Bono Lab, dont une des missions est d’accompagner des entreprises dans la mise en œuvre de programmes de mécénat de compétences. Elle a mené récemment une enquête auprès d’une dizaine de collectivités qui s’intéressent à ce type de dispositifs (les entretiens sont disponibles sur le site). L’expérimentation du mécénat de compétence est en effet rendue possible par la loi 3DS. Les entreprises développent ce type de dispositif, qui permet de détacher un.e salarié.e/agent pour une mission d’intérêt général, depuis une quinzaine d’années ; souvent gérés par une fondation d’entreprise, un service RSE ou RH, ils visent à fédérer les collaborateurs autour de valeurs, à contribuer au développement d’une marque employeur, etc. Les compétences mobilisées sont principalement de l’ordre de fonctions transverses, aisément transférables : stratégie d’organisation, communication, marketing, ressources humaines, etc., et quelques fois outillées par des plateformes. Ils prennent la forme de mobilités courtes et ponctuelles (qq jours / an), ou plus longues (de 1 semaine à 3 ou 4 mois) dans le cadre de dispositifs spécifiques (on boarding, fin de carrière, haut potentiel, etc.).

Les retours d’expérience et conseils :

Construire ce type de dispositif avec un large spectre de personnes au sein de l’organisation, pour que les collaborateurs s’en emparent.

Partir du volontariat des agents : il est probable que tout le monde n’ait pas envie de s’engager, il est important que la valorisation de ce type de dispositifs ne crée pas d’injonction, ne mette de côté certaines personnes ou incite celles.ceux qui ne souhaitent pas s’engager à le faire.

Bien cadrer les missions, au risque que la rencontre ne se fasse mal ou que ce soit déceptif ;

Porter attention à la relation inter-personnelle, en organisant une rencontre en amont afin que les personnes soient en phase ; en sensibilisant le collaborateur à son terrain de mécénat (on ne propose pas à une association les mêmes solutions qu’à une entreprise.)

Faire système, avec un relais/tiers référent, un suivi du collaborateur engagé dans le mécénat de compétences, etc.

 

Missions courtes pour cadres en fin de carrière et bourses à mission dans les cabinets de conseil… quand la réussite repose sur l’humain.

Marine Parent, fondatrice d’Oyena, cabinet spécialisé dans l’accompagnement des transformations humaines des organisations et la conduite du changement termine le tour de piste en proposant des retours d’expérience de différentes pratiques observées chez leurs clients ou ailleurs.

Premier exemple, les missions courtes pour les cadres en fin de carrière, par exemple au sein de la CAF de Pau qui a mobilisé l’expertise de personnes proches de la retraite pour appuyer la mise en place de démarches usagers, ou au Ministère des Affaires Étrangères, qui organise des missions/immersions pour permettre aux agents en poste pendant longtemps à l’international de reconstruire un réseau à leur retour en France.

Parmi les retours d’expérience et les conseils: 

Le besoin de coordination très fort de la part des RH afin d’identifier les personnes disponibles et de les suivre en amont et aval, ce qui leur permet de sortir de leur rôle de gestionnaire, de se positionner en ressource/valeur ajoutée

L’importance de la dimension humaine, qui prime sur la standardisation des compétences : dans la mesure où les missions à pourvoir ne sont pas connues à l’avance, il vaut donc mieux vaut passer de l’énergie à faire se rencontrer les personnes qu’à construire des référentiels de compétences.

Garder un point d’attention sur la charge de travail

Autre exemple, les bourses à missions, qui, dans les gros cabinets de conseil permettent à des collaborateurs, entre deux missions, d’apporter leur aide à leurs collègues surchargés.  Une plateforme permet d’identifier les besoins et de se positionner. Sur le papier, un bon outil de développement de compétences (juridique, rh), qui de plus contribue à dé-siloter l’organisation et à créer un sentiment d’appartenance… Mais dans la réalité, il a peu mobilisé.

Parmi les retours d’expérience et les conseils: 

Le besoin d’accompagnement à la prise en main d’un outil, qui ici est apparu trop technique ;

Là aussi, privilégier la conversation et la relation inter-personnelle. Les collaborateurs ont eu du mal à déclarer leurs compétences sur la plateforme et à identifier dans quelle mesure celles-ci sont transposables. Une discussion à bâton rompu pour présenter une mission, aurait probablement sur ce plan mieux fonctionné.

Clarifier la finalité du dispositif (entraide… ou contrôle ?) : Le dispositif permettait aux collaborateurs de se positionner auprès d’un autre service sans faire valider par le manager, qui pouvait ressentir une crainte par rapport à l’image renvoyé de son service (tiens, ici il y a beaucoup de collaborateurs régulièrement disponibles, un besoin d’aide systématique, etc.)

 

Ce que l’on retient : souplesse, accompagnement, gestion en commun…

Au delà des conseils glanés au fil des intervention, on retient aussi quelques principes qui peuvent guider nos futurs tests :

Privilégier une approche ‘sur-mesure’, souple, plutôt que des dispositifs posant un cadre trop lourd (quitte à assumer le côté borderline, même si les questions juridiques demeurent présentes…)

Prendre en compte l’accompagnement nécessaire pour identifier des compétences en amont, mettre en relation, qui demande du temps et de l’implication (et ne peut pas se remplacer par des outils type plateformes) mais renouvelle aussi les fonction de gestion des ressources humaines

Approcher le temps de travail comme un commun : les dispositifs que nous avons partagés et explorés cherchent tous à trouver la bonne adéquation entre des situations d’agents, choisies ou subies, et les besoins et projets du côté des organisations. Peut être faut-il inventer des modes de gestion et de régulation qui s’inspirent des communs pour sortir d’une approche par le contrôle.

De quelle manière tout ceci inspirera-t-il nos tests ? C’est au menu de la prochaine session !

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